top of page
Photo du rédacteurPhilippe-Olivier Tremblay

Ma santé mentale, Trump et les Alphas

Je me permets aujourd'hui une publication d'ordre plutôt éditorial. Entre les microbes que notre petite nous ramènes en série de la garderie (et nous partage avec son grand coeur!) et l'actualité des dernières semaines, comme plusieurs d'entre-vous, je suis un peu dépassé. Tout ce que j'ai envie de faire c'est de me blottir contre les gens que j'aime, fermer la télé, partir un feu et espérer que le monde ne s'écroule pas.


Pour préserver ma santé mentale, j'ai d'ailleurs fait un black out médiatique suite aux élections de Trump. Finito les levés du lit confronté à toutes les mauvaises nouvelles du jour. Je prépare d'ailleurs une petite liste de suggestion sur comment consommer ses médias de manière plus respectueuse pour sa santé mentale. Malgré tout, l'actualité finit toujours par trouver son chemin : la fameuse entrevue des Alphas a donc frayé le sien jusqu'à moi, quelques jours après que tout le monde en ait parlé.


Bien que j'ai déjà repartagé la réponse du Pharmachien plus tôt cette semaine, réponse qui reflète en bonne partie ma position, j'avais quand même besoin d'ajouter ma voix à ce sujet. D'une part car je suis un témoin privilégié de ce que la fameuse posture d'alpha, le stéréotype masculin de l'Homme, peut provoquer comme dommage à la santé mentale de ces mêmes hommes. D'autre part parce que je suis un homme qui a réfléchi sur ses privilèges, sur ses manières d'être avec les femmes, sur son monde émotionnel, par choix et par nécessité.


Merci d’ailleurs à mon amour et à ma grande amie de m’avoir accompagné, confronté, challengé dans ce parcours toujours actif.


Lorsque je pense à tous les hommes que j’accompagne, certaines constantes ressortent. D’une part le modèle éducatif partiel pourrait se résumer grossièrement à : les émotions ont parle pas de ça, faut être fort devant tout, pas le droit de montrer de faiblesse, pas le droit de pleurer. Un homme, ça travaille, ça s’occupe de sa famille, ça boit ou ça se fâche quand ça ne va pas, pis le reste du temps on s’occupe de la maison. D’autre part, pour une bonne proportion, le vocabulaire émotionnel est atrophié. Pour certains, les émotions de bases sont identifiables, pour d’autres, ça va bien ou ça va mal, c’est tout.


Le problème, c’est que quand tout se met à mal aller, quand la personne n’est plus fonctionnelle, elle ne sait pas comment le dire, comment le gérer. Ce n’est pas pour rien que les taux de suicide sont plus élevés chez les hommes. L’impulsivité et la honte à surmonter sont trop grandes devant un archétype masculin tout aussi malade qu’eux. Être à l’écoute de ses émotions, être empathique à l’autre, apprendre à communiquer ses sentiments, ses besoins, trouver des compromis dans ses relations, demander de l’aide quand ça ne va pas bien ne devrait pas être associée à un genre; c’est juste être une personne équilibrée.


La posture des alphas fait la promotion des préjugés que je cherche à déconstruire depuis le début de ma carrière. Un homme fort, c’est un homme qui communique. Un homme fort, c’est un homme qui accepte que la femme est son égal, et même sa supérieure à plusieurs égards. Un homme fort, ça peut aussi être quelqu’un qui a une grosse barbe, de gros muscles et qui aime les chars. Ça peut aussi être quelqu’un qui a des valeurs familiales fortes et qui aime travailler, pouvoir subvenir aux besoins des gens qu’il aime.


La posture des alphas, ce n’est rien de moins qu’un recul en arrière de 100 ans d’histoire, de lutte, de travail, de femmes et d’hommes. C’est un retour à un modèle qui a fait des ravages sur la santé mentale, la vie de millions d’hommes et de femmes à travers le monde. La peur du changement est un réflexe humain. Le déni, l’évitement sont des mécanismes de protection tout à fait normale lorsque nous sommes confrontés à de la nouveauté, de l’incertitude ou de l’insécurité. Mais quand on n’a pas les mots pour le dire, on réagit, parfois avec violence, en cherchant à contrôler l’autre parce qu’il nous fait peur, parce qu’il nous fait mal.


Normalement en intervention, nous essayons de préserver une posture neutre face à la politique, l’actualité, car nous accompagnons des personnes de tout horizon, de tous les milieux. Dans le contexte actuel, il n’est pas possible pour moi de rester neutre. Le genre de propos tenu lors de l’entrevue de dimanche dernier à tout le monde en parle va à l’encontre de tellement de choses que je suis, va à l’encontre du monde que je veux pour ma fille, pour les générations futures.


L’adolescent que j’étais rêvait de faire la révolution, de changer le monde. L’adulte que je suis a appris à lâcher prise sur ce qu’il ne contrôle pas, réaliser qu’il y a une limite à mon pouvoir. Malgré tout, c’est avec l’impulsion de l’énergie de l’adolescent que j’étais que j’exerce le métier d’éducateur. Changer le monde, une personne à la fois, à travers le partage, l’ouverture, l’écoute et l’empathie. En éduquant, en accompagnant vers une meilleure connaissance de soi, une meilleure compréhension des autres, vers plus d’amour et moins de haine.


Quand je regarde tout ça, je me dis que le travail est loin d’être fini…

5 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Comentários


bottom of page